Japanistan, un voyage musical entre l'Afghanistan et le Japon

© Marie Juliette Pillard

Il y a des fois où une musique peut être un voyage à elle tout seule. Il y a des fois où un livre peut vous faire penser à une musique  et les deux alors se lient et se relient en un pont invisible. C'est ce qui m'est arrivée en écoutant les notes de rubab de Kengo Saïto, et en relisant Amours Nomades d'Isabelle Eberhardt*,plongée dans les volutes de mon bain moussant!

Un siècle les sépare et pourtant tout les rapproche.

Kengo Saïto, installé à Paris, est un créateur de sons prolifiques, portant en lui l'héritage des musiques japonaises et maîtrisant aussi bien le sitar de l'Inde du Nord que le rubab de l'Afghanistan.

Isablle Eberhardt est écrivaine, journaliste d'origine russe, suisse et passionnée du monde berbère, tant et si bien que c'est en homme qu'elle va parcourir les contrées inexplorées du monde arabe. Ses pas l'emmèneront en Algérie, Tunisie et au Maroc.

Tous les deux s'intéressent à des cultures qui ne sont pas les leurs. Tous les deux brisent les frontières. Elle ira plus loin encore en brisant les conventions et en pénétrant dans un monde interdit aux femmes. 

Dans la musique de Kengo, à aucun moment les yeux fermés, on ne peut se douter des influences japonaises qu'il ajoute à ses compositions. Dans les mots d'Isabelle, elle décrit un monde qui va bientôt disparaître et qu'elle a pris soin de faire sien. 

En s'appropriant des mondes différents, ils nous engagent à rêver en grand le monde de demain et à nous poser des questions  somme toutes essentielles: " Qui je suis dans cette société et dans ce monde?"

J'imagine très bien qu'Isabelle Eberhadt la nomade aurait alors pu répondre à Kengo le musicien ceci:"Tu es le vagabond, mon frère."

Kengo Saito jouant du rubab ©Philippe Galiffet

" Au loin les ailes pâles des barques napolitaines s’éployèrent sur la moire du golfe tranquille. Des souffles de caresse passèrent dans l'air tiède. Les choses frissonnèrent. Alors l'illusion d'attendre, de se fixer et d'être heureux, se réveilla dans le cœur du Vagabond. (...) 

Pourquoi s'en aller, pourquoi chercher ailleurs le bonheur, puisque le Vagabond le trouvait là, inexprimable, au fond des prunelles changeantes de l'aimée (...)? 

Il renonça à son rêve de fière solitude. Il renia les joies des logis de hasard et la route amie, la maîtresse tyrannique, ivre de soleil qui l'avait pris et qu'il avait adorée. 

Le Vagabond au cœur ardent se laissa bercer, pendant des heures et des jours, au rythme du bonheur qui lui sembla éternel. (...)"*

"Longtemps le Vagabond regarda la route, la route large et blanche qui s'en allait au loin. C'était la route du Sud.(...) Son désir ancien de la vielle maîtresse tyrannique, ivre de soleil, le reprenait. De nouveau, il était à elle, de toutes les fibres de son être."*

J'ai laissé le livre de côté et me suis laissé bercer par les notes chaudes et envoutantes de la rubab de Kengo Saïto . Rien ne pouvait arrêter ma rêverie. J'étais déjà loin... Au pays qui est mien et qui s'appelle Liberté...

Pour partager l'univers de Kengo Saïto , RDV le 28 juin au Studio de l'Ermitage- Paris: ici
Son site web: http://www.kengosaito-music.com
Se procurer l'album de façon digitale: c'est par là!

*Extrait d'Amours Nomades d'Isabelle Eberhardt- Editions Folio.